Le net francophone du bled m’agace

cybercafeChaque jour, dans mes flux RSS et autres tweets, je découvre une nouvelle application made in bled pour le bled. Et je suis convaincu qu’à terme l’une ou l’autre de ces applications passera la barrière du bled pour devenir le prochain Facebook ou Twitter. Mais pour que cela arrive le plus rapidement possible, certaines choses doivent évoluer, doivent radicalement changer.

Je ne pense pas être le premier à le dire mais le web africain se divise en 3 zones d’influence:

  • Le web africain anglophone (avec l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Kenya). Cette zone est en plein boom technologique et semblent être en train de créer les outils adéquats pour répondre aux besoins de leur population, de leur communauté. Leur web bien que cloisonnée est bien délimité et toute tentative de l’infiltrer sans y être invité se soldera par un échec sanglant.
  • Le web africain arabophone (l’Afrique du Nord entre autre) . Il s’inscrit pleinement dans le web arabophone mondiale. Là, les choses sont claires tous se passent dans un marché qui s’étend de la Mauritanie aux Philippines. Le marché est connu et les pays ont une tradition d’investissement dans les moyens de communication les plus avancés. Dans certains des pays, comme l’Égypte, le web suffisamment mature que pour connaitre et faire face à ses défis nationaux et régionaux.
  • Le web africain francophone (WAF) dont je vais détaillé ci-dessous les carences et autres anomalies.

1. Un marché sans site référant : Lorsque l’on parle Web aux Etats-Unis on voit Google, Yahoo et tellement d’autres sociétés que l’on ne se pose même plus la question, idem pour certains pays d’Europe. Mais voila, de tels sites référant ou structurant dans le WAF, ça n’existe pas. Un ou des sites qui permettraient d’animer le marché parce que les autres acteurs voudront soit les copier, soit les concurrencer. Et que l’on vienne pas me parler de Afrik.com. C’est certes un site qui parlent d’Afrique, mais ce n’est vraiment pas un site africain. Ce site traite autant de l’Afrique que de la France ou des Antilles. Je n’ai rien contre, c’est son business plan et celui-ci ne se contente pas d’évoquer le bled.

2. Un marché sans pays référant : Ok, il n’y a pas de site référant, ce ne serait pas grave si il y avait, au moins, un pays référant. Un pays dont la politique en matière de délivrance de nom de domaine et plus généralement dans l’aide au développement du net faisait que tout bon site du WAF se ruerait sur son TLD (nom de domaine national). J’ai beau cherché, je vois pas. A l’heure actuelle si je devais sortir un site au bled, j’opterais volontier pour un .com ou un .net comme la majorité des gens l’ont fait ou un .co.za pour montrer, encore une fois, la prédominance et l’intelligence d’un pays comme l’Afrique du Sud en comparaison avec la zone du WAF.

3. Bon si mon marché n’a ni site référant, ni pays référant, possède-t-il au moins un site de référencement du WAF qui me permettrais au moins de me faciliter la vie et de retrouver facilement un site du WAF déguisé en .com ? Et là encore, c’est le constat d’échec total 🙁 . Aucun outils, même Google, n’arrive à référencer correctement le WAF où ses produits (sans doute par ce que ces produit n’existe pas sur le WAF :ndlr).
Petite expérience : Essayer de rechercher une société de location de voiture au Cameroun. Le résultat sous Google saura totalement navrant.

L’internet au bled vue par tunibox.com
internet_afrique

En résumé nous avons là un marché sans site référant, sans pays référant et sans répertoire d’activité, je me demande si on peut-on encore parler de marché pour le WAF ? Mais ce n’est pas tout, là j’ai évoqué des problèmes structurels, que se passe-t-il lorsque la chance, le hasard ou un lien reçu via #afrolinks sur twitter me permet de consulter un site du WAF ? Hé bien le constat est quasi toujours le même.

4. Des sites web obsolètes: Lorsque je surfe sur les sites du WAF, le côté marketing indispensable à tout produit, pour qu’on puisse le vendre au plus nombreux d’entre nous est quasi inexistant. Est-ce par manque d’imagination, de professionnalisme, de temps ? Quelque soit la raison, le résultat et le même, les plus curieux seront à terme rebuter par le manque de qualité et donc de sérieux retranscrit sans doute de manière erronée dans le design des sites. De plus, qui dit mauvais design dit mauvais référencement et donc peu de trafic et de visiteurs. Et quelque soit votre domaine d’activité, si votre site à peu ou pas d’activité, votre présence sur la toile est inutile!!!

5. Les faux problèmes: Certains me diront que le design est tributaire de la qualité de la bande passante ou que l’africain ne s’arrête pas à ce genre de détail, ce qu’il recherche s’est le service avant tout. Donc mettons le plus d’effort dans le service et le reste suivra. Ceux qui affirment cela se trompent énormément. Dès que vous avez une présence sur le net, cette présence sous entend que n’importe qui, de n’importe où et à n’importe qu’elle heure peut consulter votre site. Un curieux, un client ou mieux encore, un investisseur potentiel. Si l’habit ne fait pas le moine, il y contribue énormément. Alors arrêtons de prendre l’utilisateur final, blédard ou non pour ce qu’il n’est pas et travaillons correctement nos produits Web. Je ne sais plus qui m’a dit que chez Microsoft 2/3 des employés étaient des gens employés dans le marketing, je pense que ce chiffre est suffisamment parlant. Un produit aussi bon soit il, si il est mal vendu ne sert à rien!!

En résumé, cette objet web non identifié qu’est le WAF a vraiment du plomb dans l’aile en ayant pas encore décollé. Il est clairement caractérisé par une désorganisation à tous les niveaux et par un manque indéniable de pôles d’excellences ou du moins de pays de référence. De plus, pour noircir encore plus le tableau, Le WAF manque également d’innovateur, Etum parle d’innov-acteur, pour le bousculer et le réveiller. Bref, le WAF est dans en état léthargique voire catatonique et il serait grand temps de faire quelque chose.

PS: je tiens à préciser bien que cela va de soit que je parle ici des sites et services web qui ont pour but de commercialiser un produit ou de rendre accessible un service, public ou privé sur la toile. Je ne parle en aucun cas du site personnel amateur de tout un chacun qui dans la vaste majorité du monde est comme le nom l’indique un site d’amateur 😉

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16 Commentaires

Ouch!! c’est ce que j’appelle frapper là ou ça fait mal.
Cependant, il est important de souligner qu’il existe des exceptions notables dans le « WAF »: par exemple, la plateforme de blog « ivoirblog » s’en sort plutôt pas mal à mon avis.

Cependant, hormis ces quelques (trop) rares exceptions, je plussoie votre critique du net francophone.

Je suis d’accord avec toi mais je pense aussi qu’en Afrique francophone, le terrain n’est pas propice au développement du Web. C’est question de culture avant tout.

Lorsqu’on créé un produit comme Yahoo ou encore Facebook, on s’attend à ce qu’il y ait de la pub dessus et que le site puisse se financer tout seul à une certaine échéance. Bon nombre d’africains que je connais et qui se lancent dans des aventures Web se retrouvent souvent butés à des problèmes de finances. Les entreprises africaines ne connaissent pas encore la nécessité de faire du marketing en ligne.

Il y a un grand travail d’information et de formation à faire avant de parler de vrai boum d’Internet en Afrique francophone. Il faut des échanges entre ceux qui savent faire et ceux qui aimeraient ou devraient savoir. C’est d’ailleurs dans ce cadre que je viens de lancer Africa Village (http://africavillage.net) pour réunir des africains francophones en réseau, question d’échanger par rapport au Web.

En voilà une excellente initiative!
Rapidement :

++ Utilisation pertinente d’outils signé Automattic
++ Webdesign plus que potable. bonne gestion des espaces et bon équilibre dans le choix des couleurs

— A quoi sert le site ? Rien ne l’indique clairement sur la page d’accueil. Je te cite: « … pour réunir africains francophones en réseau, question d’échanger par rapport au Web ». Cela doit apparaître en page d’acceuil. Une phrase peut largement suffire.
— Le logo est moche, ou plus clairement, ce n’est pas un logo. Il est important de prendre le temps de travailler un logo, car sur le net, cela constitue l’élément immédiatement identifiable d’un site web, celui que l’on garde inconsciemment en mémoire : Yahoo!, Google, etc…
Pour y remédier, un bonne source d’inspiration : Logopond ( http://logopond.com/ ); question de se mettre au niveaux des standards webs actuelles, et d’éviter de faire de la m***e.

Enfin une suggestion perso: Pense à intégrer FB connect à ta plateforme dès à présent, car FB, on n’aime ou qu’on n’aime pas mais aujourd’hui c’est incontournable.

Voilà.

Google ou Youtube ont commencé en faisant 0 pub, en étant déficitaire. Ils ont d’abord gagné des parts de marché et imposé leur marque et leur produit. Ce n’est qu’ensuite qu’ils ont commencé à faire de l’argent (Youtube est toujours déficitaire en ce moment)
Les africains que tu connais semblent ne pas avoir de Business Plan à mes yeux. L’accessibilité au web fait perdre de vue au gens les fondamentaux de tout projet d’entreprise… un bon business plan, y’a que cela de vrai.

Corrige moi si je me trompe, mais je pense que la plateforme ivoire-blog utilise le TLD .com et de fait ne représente pas, à mon avis, un référant dans le développement du net dans le WAF.
Oui cette plateforme est un pas vers la bonne direction et je l’aurais cité si en tapant http://www.ivoire-blog.ci/ j’étais renvoyé sur la plateforme de blog, ce qui n’est pas le cas.

@LPN
En effet. Mais je parlait plutôt de l’aspect design et ergonomie. Sinon, la remarque par rapport à la non utilisation du « dot ci » pour ivoirblog est pertinente.

Merci pour Ivoire-Blog. Je rejoins Africain. Au-delà des business plans, c’est une question d’argent qui bloque le WAF. Comment financer les déficits jusqu’à atteindre l’équilibre s’il n’y a pas d’investisseurs dans le secteur ? Que serait Google ou Twitter sans les business angels et les VCs ? Nous avons un vrai problème.

Super article qui a visiblement son utilité. Quelque part il y a un point positif qui est l’inverse de ce qu’il se passe en Europe : tout reste à faire. Sur le « vieux » continent, beaucoup (trop) d’éditeurs web commencent à êtres blasés. Il y a là aussi de mauvais prétextes, biensûr ! Billet utile, informatif, courageux : bravo et bon courage !

Je ne sais pas ce ça coûte un nom .ci mais en RDC, le .cd coûte de loin plus cher que les noms classiques. En terme de valeur ajoutée, je ne vois pas trop ce que ça apporte de plus. Un .com ou un .net, c’est universel.

Le problème du financement est un faux problème lui aussi. Le plus important c’est avoir l’idée et savoir l’articuler dans un business plan. Je sais je n’en démord pas. C’est ton business plan qui va déterminer tes besoins réels d’argent et si ton projet tien réellement la route, ce sont les business angel qui viendront vers toi. http://www.afrigator.co.za en est un exemple.

ça tu vois c’est le problème n°2 que j’évoque. C’est parce que le RDC comme toute les autres pays africain non pas de réelle politique pour le développement des NTIC. Il ya des société en Europe qui se battent pour bloquer tous les TLD. dans le WAF par contre personne ne se bat car les critères d’acquisition sont soit farfelues soit obsolètespar rapport aux besoins du marché.

@LPN : Excuse-moi mais je crois que c’est enfoncer des portes déjà ouvertes! Les pays anglophones sont déjà en avance dans pas mal de domaines en dehors du web. Désolé, mais cela joue beaucoup.

Pour proposer des services et produits à valeur ajoutée réelle, il faut qu’il y ait des consommateurs et des moyens de consommer depuis l’Afrique sur le net : moyens de paiement, pouvoir d’achat et logistique adaptés. Et aussi des services adaptés au contexte.

Quelles sont les habitudes d’utilisation des Africains par rapport au net? Combien disposent d’une carte bancaire? Peux-tu faire réellement des courses sur le net à partir de l’Afrique? Acheter un sac de riz par exemple?
Besoin courant dans quasiment tous les pays.

Bref, les seuls à même de faire un usage complet du net sont ceux de la diaspora qui dispose déjà de ces services depuis l’Occident. D’où l’impasse!

Hallo! Moi c’est Donspiro il te reviendra surement très souvent ce pseudo! Je suis de l’Afrique francophone et j’ai suivi ton intervention aujourd’hui à RFI et il faut avouer je en suis pas surpris et je te donne raison à 100%. Juste qu’il y a pas mal de jeunes comme moi qui comptent bien suivre des études de webmaster et devenir des ingénieur sinon des experts dans le domaine. Dans les pays comme le mien (le Cameroun) nous n’avons pas vraiment accès à internet et ce n’est que maintenant (3 à 4 ans)que le phénomène internet prend de l’ampleur les ainés avaient eux d’autres préoccupation, nous avons bien la volonté mais les moyens nous manquent qu’à cela ne tienne on y pense et espérons un jour arriver à proposer un service de qualité en matière de site web( design et contenu). Merci pour les critiques ça nous motivent d’avantage et nous comptons aussi sur le support des ainés comme vous pour nous faciliter l’apprentissage et la spécialisation. Cordialement votre.

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